Le nez en l'air...
Sur le chemin du boulot, lever les yeux au ciel, ne pas voir le faucon pélerin qui virevolte aux alentours des flêches de la cathédrale, mais croiser le regard de Morvac'h, le cheval du roi Gradlon...
Ame sensible, savais-tu qu'il baissait la tête afin que la statue du roi reste visible depuis le parvis ? Oui, tu le savais déjà...
Bouquet final !
Après avoir tournicoté une année durant dans le centre et les faubourgs de Quimper, il est temps, pour cette dernière journée quimpéroise, d'aborder LE sujet architectural phare de la capitale Cornouaillaise, j'ai nommé la cathédrale Saint-Corentin. La photo ci-dessous a été prise ces-jours-ci, les fanions évoquant de manière tout à fait innatendue les fils électriques tendus en travers de la rue que l'on peut voir sur les photos prises dans les années 60 et 70.
Ma première visite est pour la statue du Santig Du, ce petit "saint noir" de la couleur de la défroque des franciscains, autrement appelé Saint Jean Discalceat (Jean le déchaussé), même s'il n'a pas été béâtifié, ou encore Yann Diboutou en breton. L'objectif n'était pas de retracer la vie du saint homme mais de vérifier que le reliquaire se trouvait à proximité de la statue. Cette Nième visite m'a donné l'occasion de découvrir, dans une petite niche à proximité, une statue de Saint-Antoine à qui l'on attribut les mêmes compétences (incursion d'un terme managérial dans une belle histoire, désolée !).
Deuxième station devant la fresque peinte par Yann d'argent où le Père Maunoir "reçoit" en don la langue bretonne lors d'une nuit de prière à la chapelle de Ty Mam Doue. Un autre fresque, symétrique à la précédente, représente Michel Le Nobletz préchant sur la mort devant une assemblée attentive. Ce qui ne fait qu'ajouter une couche de perplexité à une des enigmes que nous n'avons pas su lever, à savoir situer une chaire à prêcher illustrée de la vie du dit Michel Le Nobletz. Mais ce personnage est représenté partout...
Le nez en l'air, j'admire les voûtes célestes, telle celle de la chapelle des fonts baptismaux (font de fontaine et non fonds comme en biblitohèque, qui est un bien, une possession). Cette chapelle est particulièrement bien éclairée par un vitrail (bleu !) contemporain du maître-verrier Jean-Jacques Gruber.
Enfin ,je fais un détour par le portail sud, portail Sainte-Catherine, jeter un oeil sur les vestiges de polychromie qui n'ont de cesse de me fasciner. Comment imaginer cette cathédrale bigarée ?
Regarde de plus près : du rouge, du bleu...
Ame sensible, tu te demandes à juste titre comment l'ami Abgrall pourrait bien pointer le bout de son nez dans ce bel édifice. S'il a assisté à l'élévation des flêches, terminées en 1854, il n'y est à priori pour rien. C'est son compère Joseph Bigot qui s'y est collé. Son histoire personnelle y est cependant liée, puisqu'il a été durant plus de trente ans chanoîne de la cathédrale. Et voilà ! La boucle est bouclée !
C'est sur cette belle histoire que je quitte Quimper et son pays glazig pour trois semaines de dépaysement en pays melenig. Enfin, ce soir, après une jolie petite dernière journée ursulinienne en diable !
Chemin faisant...
Parce qu'aujourd'hui Pouma est (encore) dans le train, saisissons le prétexte pour nous intéresser à l'ami Abgrall version motorisé. S'il se déplaçait volontiers à pieds ou à vélo, comme nous l'avons déjà vu, il a su également percevoir dans les années 20, alors qu'il est déjà âgé, tout le potentiel de l'automobile et du tourisme balbutiant.
Un court manuscrit s'intitule "Le Finistère en quatre jours pour touristes pressés équipés d'une quarante CV". Guère détaillé quant aux directions à prendre, mieux vallait-il s'être équipé d'une carte routière. Car n'oublions pas que si les premières plaques indicatrices de direction apparaissent dans les années 1860, il n'y a aucun nom à l'entrée des communes ni harmonisation des premiers panneaux de signalisation. Cette dernière n'interviendra qu'en 1931.
Ame sensible, tu m'objecteras que les cartes routières non plus ne sont pas inventées. Le numéro des routes n'est pas indiqué, etc. On a du mal à imaginer...
On rencontre aujourd'hui quelques plaques de cochers restaurées installées à 3 mètres du sol, pour être à hauteur des cochers de diligences, bien sûr.
Pour en revenir à notre précurseur du guide du routard version ecclésiastique, ses parcours sont ambitieux : dans la seule 4e journée du circuit, il prévoit de visiter en détail Saint-Herbot, Loqueffret, Lannedern, Brasparts, Pleyben et Fouesnant le matin, de déjeuner à Beg-Meil puis de continuer par Concarneau, La Forêt, Trégunc et Pont-Aven pour terminer à Quimperlé par la visite des deux églises, de toutes les vieilles rues voire, s'il y a le temps d'aller faire un tour en forêt... Ouf. Mais que prenait-il au petit déjeuner ?
Le réveil de la belle endormie...
Telle la Belle au bois dormant, notre heureuse cité s'est éveillée et, telle Cendrillon, elle n'a que la permission de minuit. Une semaine d'ébullition, le temps du Festival de Cornouaille. Encore que... plus un frémissement qu'un vrai bouillonnement...
Du badeau, du chalant, des stands et des chapiteaux, rien que de bien factice. L'évênement est posé là comme il pourrait l'être ailleurs... Heureusement, certaines "valeurs sûres" perdurent, la marchande de dentelle, sur le parvis de la cathédrale, porte toujours la coiffe bigoudène. Qu'elle n'a jamais porté ne serait-ce que le début du reste de sa vie... Sa mission ? Illuminer le séjour du touriste citadin qui repart satisfait d'avoir surpris l'autochtone dans son milieu naturel... (cherchez l'erreur).
Le touriste ,quant à lui, est une espèce tout à fait captivante à observer. Per-Jakez Hélias raconte qu'il se souvient avoir vu apparaître les premiers spécimens, dès avant les congés payés de 1936, et que, faute de qualificatif adéquoit -la notion même de tourisme n'existait pas encore- ils étaient qualifiés de "Kodakerien" à cause de la grosse boîte noire posée sur leur estomac. D'instinct grégaire, il ne s'éloigne pas de la rue Kéréon (où il est assuré de retrouver les enseignes internationales qui lui sont familières). Les plus audacieux s'engageront dans la rue du Gueodet, monteront jusqu'à la place du Salé où sont regroupées les crêperies... Sa tenue, telle un uniforme, est composée d'une marinière, d'un short et de sandalettes, le ciré et les bottes n'apparaîssant qu'en cas de crachin.
Crachin qui a d'ailleurs été généreusement programmé en alternance avec de belles ondées afin que le touriste, comblé, puisse étrenner son Guy Cotten et repartir fort d'une expérience riche en émotions : il aura affronté le climat breton... Personnellement, cet intermède pluvieux m'aura ménagé une très appréciée traversée du centre ville déserté, heureux intermède au milieu de cette grouillante semaine.
Ame sensible, tu auras reconnu la sérennité de la place Terre-au-duc au petit matin. Le groupe de maisons surmonté d'une tour carrée était autrefois une hostellerie. La plus ancienne de Quimper, à vrai dire. Elle s'est appelée "La tête noire", puis "Le croissant". Ce qui n'est pas sans rappeler la lune de Landerneau. J'ai par contre lu quelque part qu'il y avait également eu une chapelle sur cette place, mais n'ai pas trouvé à recouper l'information.
Les remparts là où il n'y en n'a plus...
Reprenons le tour des remparts quimpérois, mais cette fois-ci là où ils ont disparu. Rue du Parc, d'abord, si les immeubles bien alignés pourraient évoquer la muraille, il n'y a en réalité aucune correspondance.
En effet, on constate sur ce plan de 1764 qu'elle formait un angle et comportait divers élargissements. A ses pieds, là où aujourd'hui règne le macadam, se trouvait un parc submergé à chaque marée, semble-t-il lieu de promenade prisé de la bonne société quimpéroise.
Un pu plus loin, toujours dans le même alignement, la porte Saint-François est aujourd'hui largement ouverte. Je me suis demandé comment reconstituer la porte, en dessinant sur la photo ou en faisant un montage, alors que j'avais la solution sous les yeux...
En effet, j'ai mis un moment avant de faire le lien avec les photos de la maquette reconstituant l'ancien couvent des Cordeliers. Couvent franciscain par lequel on pouvait accéder par la porte... Saint -François ! Voici à quoi devait ressembler cette porte, en tout cas d'après la maquette. La dite maquette a périt en 1939 dans l'incendie du musée archéologique mais les photos seront visibles... devine où ? Dans l'exposition Abgrall, bien sûr !
Cette porte a été détruite en 1740, lors de la construction du pont qui prolonge la rue, futur pont de la préfecture. Ame sensible, je t'ai choisi un troisième échantillon de "non-rempart", un tronçon urbain particulièrement transformé.
Si l'axe de la rue du Frout se terminait par la porte des Réguaires, elle n'était pas aussi longue. Le bâtiment visible au premier plan n'existait pas, la muraille passait derrière.
De l'autre côté du pâté de maison, la muraille va changer d'orientation derrière le rond-point au niveau d'une grosse tour défensive. C'est plus compréhensible sur un plan. Les pointillés rouges représentent l'ancienne muraille.
Ame sensible, j'ai encore de bien jolis "non-remparts" à te raconter comme le moulin de l'évêque, mais je cafouille encore un peu dans le repérage des lieux.
Faire le mur...
Voilà qu'un jour je me suis dit que ce serait sympa de faire le tour des anciens remparts de Quimper. Mais vraiment tout le tour. Et me voici partie, un midi, sur les traces des vestiges moyen-âgeux.
Mais je réalise qu'il y a plus évident que de montrer ce qui n'existe plus. Par exemple, il semble aujourd'hui naturel d'arriver aux halles par la rue Saint Mathieu et la place Terre-au-Duc. Hors, à l'époque des fortifications, il n'y avait ni rue ni place. Là d'où j'ai pris la photo étaient des maisons, la place le cours du Steir et les terrasses... la muraille. Les halles, elles, ont été cosntruites à l'emplacement de l'ancien couvent des cordeliers. Autrement dit, les parasols symbolisent les murs et les pavés représentent le cours d'eau. Avec un peu d'imagination...
Forte de cette constatation (et pour ne pas dire "du coup") je me suis focalisée sur les vestiges encore visibles.
La muraille du jardin de l'évêché (2), derrière la cathédrale, aujourd'hui haut lieu du tourisme quimpérois. Bien que clasée monument historique dès 1887, cette muraille a longtemps été laissée à l'abandon, ruinée et couverte de lierre. Ce n'est qu'en 1968 qu'elle sera restaurée et valorisée.
A l'épque où les remparts protégeaient la ville, cette muraille ne donnait pas sur un jardin ni sur le quai, les maronniers et les passerelles sur l'Odet, mais directement sur le fleuve. A proximité se trouvait un moulin à marée, aujourd'hui disparu. La ville était entourée de zones humides et marécageuses.
Un peu plus loin, la démolition d'un garage automobile a permis la création du square Antoine Le Bris (3), rue de Juniville. La tour Pennalles qui se tenait à l'angle a, elle, disparu.
Les anciennes douves et la tour Nevez (4), la seule aujourd'hui encore debout.
Au nord de la ville, sur les hauteurs, se trouvaient l'entrée principale, la porte de la Tourbie (5). Je me suis longtemps demandé comment on pouvait habiter cette tour qui me semblait bien étroite. Tout simplement parce que la tour actuelle est un château d'eau, alors que l'ancienne tour, bien plus imposante, étant située de l'autre côté de la rue.
A l'ouest courent les anciens ramparts le long de ce qui était l'allée des soupirs (6). Elle a été percée d'une grande porte, l'entrée du collège de la Tour d'Auvergne. Les douves ont été conservées.
Pour parcourir le quatrième pan, on redescend le long du Pichery, autrefois les pècheries (7). On y reconnait des tronçons de murs, quelques tours qualifiées d'époque dans certaisn ouvrages, mais sont-elles vraiment ? Et de quelle époque parle-t-on ?
Pour avoir une vue d'ensemble sur la descente du Pichery, rien de tel que se reculer de quelques pas, ou plutôt traverser le Steïr pour se poster le long de l'écluse du Moulin-du-duc.
Dans le bas du Pichery, les maisons dissimulent le mur sur lequel elles sont adossées, on regardant bien, on en aperçoit parfois quelques vestiges.
Après avoir traversé la la place Médard, on retrouve un dernier élément, l'échauguette au dessus du Steir, qui figure sans doute la moitié des cartes "souvenir de Quimper".
Ame sensible, j'espère que tu as apprécié la virée dans le temps. Il faut qmaintenant que je trouve comment te faire partager aussi le tour des ramparts qui n'existent plus !
Ode aux marches...
Si tu le veux bien, récapitulons les derniers escaliers escaladés de concert. Avignon, Saint-Malo, Guerlédan. Si, selon de savants calculs, l'escalier idéal n'excède pas 35°, ceux-ci prennent quelques libertés avec l'ergonomie...
Poursuivons avec quelques escaliers quimpérois. Après tout, la ville ne s'est-elle pas appelée "Montagne-sur-Odet" pendant la Révolution ?
La petite montagne, en contrebas du Puichery,
Le Mont Frugy. Pour grimper au sommet de ce dernier, il y a en tout 284 marches. Un bon entraînement pour qui pense profiter de la vue au sommet du phare d'Eckmühl dont l'ascension fait 307 marches.
Le championnat du monde de la montée du phare, c'est le 22 août... mais on va se contenter du Frugy, hein ?
Ame sensible, tu auras reconnu les photos prises l'été dernier avec l'appareil "Oeil de poisson".
Prendre de la hauteur...
Voici déjà quelques mois que je ne suis pas montée sur le mont Frugy. Tu sais, cette colline qui culmine à 70 mètres, le long de l'Odet.
Oui, celle-là.
Déjà boisée dans les années 20 comme on le voit sur cette photo prise depuis une des flèches de la cathédrale. Jusqu'au XVIIIe siècle, c'était une lande pelée où les lavandières faisaient sêcher leur linge. Les premières tentatives de plantation forestière datent du début du XVIIIe siècle, mais ce n'est qu'au XIXe que les quimpérois découvrent le pittoresque du "grave Mont Frugy" come l'appelle Jean-Marie Abgrall dans son "Quimper à vélo", petite pépite de guide touristique...
Ame sensible, tu te demandais quand il ferait son entrée, celui-là...
Jean Savina lui trouve,quant à lui, "l'attitude sereine d'un monstre accroupi qui regarde la cité".
Au cours de l'ascension, pourvu que tu penses à te retourner, tu as une vue panoramique sur l'embouchure du steir là où il se jette dans l'Odet, avec en contre-bas la place de la Résistance et son parking.
Au mois de mars dernier, depuis le sommet la vue embrassait toute la ville... quand toutefois les frondaisons n'étaient pas trop denses.
Aujourd'hui, le feuillage a bien poussé et on se trouve visuellement isolé de la ville.
Tranquillement installée sur un banc au milieu de cette forêt verticale, tous les bruits urbains me parviennent. Et justement, aujourd'hui, le trafic est dense. Klaxons, sifflets de la police, cris, bruit des moteurs. Mixés avec les gazouillis des oiseaux, cela donne une drôle de bande son décallée, comme ces compositions sonores favorisant la concentration...
Une fois au sommet, l'immense plateau, autrefois champ de manoeuvre, est aujourd'hui devenu un qartier pavillonaire.
Ame sensible, retiens l'adresse, car la montée des 286 marches est une bonne soupape de décompression en cas de péniblomètre en zone rouge. Des escaliers ? Nous en reparlerons...